NOTE SPECIALE D’ALERTE SUR LA SITUATION ACRIDENNE DANS LES PAYS DE LA LIGNE DE FRONT DU CRIQUET PELERIN AU SAHEL
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Suite aux pluies exceptionnelles enregistrées au Sahel et dans l’ensemble des aires de reproduction estivale et de grégarisation du Criquet pèlerin des pays de la ligne de front au cours de la saison estivale 2024, toutes les stations à fort potentiel acridien étaient actives. Les conditions éco-botaniques étaient favorables à la survie et à la reproduction du Criquet pèlerin dans la plupart de ces stations. Les températures basses observées en novembre et décembre, associées au phénomène d’inféro-flux, ont atténué le processus d’évapotranspiration avec comme résultante la persistance du potentiel végétal dans certaines aires. La persistance des conditions écologiques favorables a ralenti le phénomène migratoire de l’espèce vers les pays d’Afrique du Nord-ouest, où la reproduction printanière devrait se poursuivre. En conséquence, la reproduction du criquet a été effective et le processus de grégarisation, forme d’adaptation de l’espèce sous l’influence de certaines conditions densitaires et environnementales, était amorcé dans plusieurs secteurs notamment dans les versants septentrional, méridional et oriental des massifs de l’Aïr, le Tamesna et le Ténéré.

La résurgence acridienne observée en fin 2024 dans le Sahara méridional, et notamment au Niger où près de 1450 hectares ont été traités en décembre essentiellement sur des groupes de populations solitaro-transiens, s'est étendue à l'Afrique du Nord-Ouest en mars 2025. Des groupes d'ailés sont arrivés sur plusieurs sites en Algérie, en Libye, en Tunisie et, dans une moindre mesure, au Maroc. La reproduction printanière a débuté dans certaines zones ayant reçu des pluies dans ces pays, et des groupes larvaires et des petites bandes ont commencé à faire leur apparition en fin mars. Des groupes de larves et d'ailés ont persisté dans le sud de l'Algérie vers la frontière du Niger et des bandes larvaires ont également été observées au Tchad. Au Maroc, des adultes épars étaient en reproduction.Les opérations de lutte se sont poursuivies dans les pays du Maghreb même si elles ont baissé en intensité par rapport au mois de février.

Les conditions éco-botaniques continuent d’être favorables en quelques rares endroits dans les vallées de l’Aïr où une faible présence de végétation est observée selon les informations issues de l’imagerie satellitale à haute résolution.

La situation relative au Criquet pèlerin en ce mois d'avril est caractérisée par des signalisations de groupes solitaro-transiens et d'essaims de taille petite à moyenne, par des locaux. Ainsi, le 12 avril, plusieurs groupes en mouvement ont été observés à Timia (180653/084645). Le 13 avril, des groupes ont été observés entre Tchintoulouss et Iferouāne, plus précisément à Ingal (185922/092056) compris entre Tegemert et Issawan. Le 14 avril, un essaim de taille moyenne était en mouvement vers le Nord-Ouest d’Iferouāne. Le comportement de ces groupes et ou essaims est variable.
Ces populations acridiennes ont un comportement erratique, certainement à la recherche des bonnes conditions écologiques pour continuer leur maturation. Les criquets sont de couleur rose parfois très vif. L'essaim qui est était en mouvement vers le Nord-Ouest d’Iferouāne semble plus cohérent et les services algériens ont été informés sur une probable arrivée de cet essaim, si ce dernier ne rencontre pas de bonnes conditions éco-botaniques sur son passage en territoire nigérien. Toutes les signalisations ont été confirmées par la suite et authentifiées par le CNLA à travers son réseau de remontée de l'information acridienne et par le déploiement très rapide d’équipes légères. Cette résurgence fait ressortir une importante reproduction essentiellement autochtone, aucun apport allochtone n’est encore décelé. Ce qui présage d'une campagne acridienne 2025 qui risque d’être très agitée, surtout avec l'apport exogène issu de la reproduction printanière qui est en cours dans les pays d’Afrique du Nord-Ouest. Selon toute probabilité, lorsque les conditions écologiques deviendront défavorables dans les pays à reproduction printanière vers le mois de juin-juillet et possiblement bien avant, il y aurait un apport printanier. De ce fait, on pourrait s'attendre à une situation assez préoccupante au Niger avec l'arrivée des premières pluies utiles en mai ou juin. Cette situation est assez singulière. En effet, de toutes les résurgences, recrudescences et ou invasions récentes qui ont sévi au Niger, c'est la première fois, que l’on assiste à un important effectif acridien de fin campagne estivale.
La reproduction printanière va se poursuivre en Afrique du Nord-Ouest, notamment dans le centre de l'Algérie et l'ouest de la Libye, mais également au Maroc et dans le sud de la Tunisie. Des groupes d'adultes et de petits essaims se reproduiront, entraînant ainsi une augmentation des groupes et des bandes larvaires. Des opérations de lutte resteront nécessaires dans ces régions afin d’éviter tout développement pouvant aboutir à un déplacement des populations acridiennes issues de la reproduction printanière de ces zones vers le Sahel où les conditions devraient s’améliorer avec l’installation imminente de la saison pluvieuse estivale.
Au regard des conditions écologiques favorables qui persistent par endroit au Sahel, et dans certaines vallées de l’Air en particulier (ex : Vallée Anou Makkarene), la présence des criquets pourra persister dans les zones septentrionales du Niger, du Mali et du Tchad jusqu’à l’installation de la saison pluvieuse. Avec un apport éventuel d’effectifs issus de la
reproduction printanière en Afrique du Nord-Ouest, le potentiel acridien en début de saison d’hivernage 2025 pourra connaître une augmentation significative des populations, ce qui pourrait constituer un risque majeur dès l’installation des premières pluies au Sahel. Aussi, il est urgent de poursuivre et de renforcer les opérations de prospections à travers le
déploiement des équipes mixtes de surveillance et de lutte dans l’Aïr et le Ténéré au Niger et, au-delà, dans les autres pays de la ligne de front du Sahel afin d’éviter des infestations majeures en début de saison pluvieuse qui s’annonce. Ces opérations doivent être également conduites dans les autres pays de la ligne de front du Sahel, tant que les conditions sécuritaires le permettent.
Vu le caractère singulier de cette résurgence en cours au Sahel et en Afrique de l’Ouest, à travers notamment la persistance des conditions écologiques favorables par endroits dans les pays de la ligne de front, le potentiel acridien élevé en ce début de saison estivale ainsi que la probabilité de son renforcement par des effectifs qui auraient échappé aux opérations de contrôle en Afrique du Nord-Ouest, il est impératif qu’un appui soutenu soit apporté aux pays de la ligne de front du Sahel dans la mise en œuvre de leurs plans d’urgence afin de contenir tout développement significatif de la situation acridienne qui pourrait être préjudiciable à la campagne agricole qui s’annonce au Sahel.